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Fraudes téléphoniques:  Plus de 20 milliards de pertes en 2015

Il s’agit des déficits enregistrés par les opérateurs téléphoniques et l’Etat du Cameroun, à la suite des appels téléphoniques détournés par des fraudeurs.

Le phénomène devient de plus en plus courant. Les appels en provenance des pays étrangers, mais qui s’affichent aux récepteurs comme des appels locaux. Liliane T. qui reçoit régulièrement les appels internationaux, vit ce phénomène au quotidien. Difficile pour elle de savoir à partir du numéro entrant que l’appel vient de l’étranger. « Depuis l’année dernière je reçois des appels internationaux qui s’affichent comme des numéros des opérateurs qui sont installés ici. Seulement quand j’essaye de rappeler, ça me renvoie toujours au répondeur », explique-t-elle. Par conséquent, elle ne peut pas identifier son interlocuteur à partir du numéro entrant. En effet le numéro qui s’affiche est bien local. Loin d’imaginer la magouille qui se cache derrière ce processus, elle se plaît à le faire savoir à son interlocuteur que c’est un numéro local qui s’affiche à l’écran.

Ce phénomène qui semble anodin se repend de plus en plus et ne concerne que les appels internationaux. C’est donc le phénomène de Sim box apprend-on. D’après les responsables de Mtn Cameroun, compagnie de téléphonie mobile qui vient de lancer une croisade contre ce réseau mafieux, il s’agit des appels détournés qui sont par la suite transformés en appels locaux. « La Sim box se présente sous la forme d’un boitier équipé de cartes Sim et connecté à internet haut débit. C’est un dispositif frauduleux de terminaison d’appels qui transforme les appels internationaux en appels locaux », relève-t-on. La mauvaise qualité de la communication, les interférences et les coupures sont les conséquences qui interviennent pendant ce type d’appel. « C’est un phénomène vieux qui prend de l’ampleur et les pertes deviennent énormes », précise une source de Mtn Cameroun.

Sur le plan global, les conséquences de cette malversation sont énormes. En 2014, il nous revient que près de 60 millions de minutes d’appels entrants ont été détournées par les Sim box. Et pour cette année 2015, on compte déjà plus de 100 millions de minutes d’appels détournées. Une situation qui est à l’origine des pertes de l’ordre de 18 milliards de Fcfa pour les opérateurs de téléphonie mobile et notamment de 4.2 milliards de Fcfa pour l’Etat du Cameroun. D’ailleurs la question était au centre d’une rencontre ce jeudi 8 octobre 2015 à Yaoundé. De cette rencontre qui a réuni les opérateurs de téléphonie, les régulateurs, le ministère des postes et télécommunication et le judiciaire, il ressort clairement que c’est un phénomène qui va grandissant au Cameroun. Deux causes sont évoquées au passage à savoir les ventes incontrôlées des puces téléphoniques et l’absence d’une loi prenant en charge de manière spécifique le phénomène de fraude Sim box. La réunion de Yaoundé qui avait pour but principal de contribuer à la réflexion sur les moyens de lutte contre ce phénomène, a débouché sur des conclusions. Il s’agit désormais entre autres, d’outiller les juges, de revoir et d’adapter la loi sur la fraude et aussi de définir un mode opératoire des entreprises de téléphonie dans le processus d’identification véritable des puces. Si la fraude dans ce secteur engendre des grosses pertes pour le Cameroun, la lutte contre les Sim Boxeurs s’inscrit désormais dans les préoccupations majeures du nouveau ministre des postes et télécommunications, Minette Libom Li Likeng.

Lucienne Wouassi

Evariste Seppou

« Il est toujours impossible de rappeler ces numéros »

Senior Manager Revenue Assurance & Fraud Management MTN Cameroon, il explique le phénomène de fraude des appels téléphoniques et revient sur des mesures qui peuvent être prise pour combattre.

Le secteur des télécoms se mobilise contre les détournements d’appels, encore appelé Fraude par Simbox, il s’agit de quoi exactement ?

La Sim box transmet les appels par l’Internet grâce aux IP (Internet Protocol en Anglais). Si la fraude est organisée à partir de la France par exemple, un premier IP reçoit directement les appels des réseaux locaux français, complices de la fraude, ou alors, il intercepte ces appels à partir d’un carrier (transporteur d’appel) ou de son sous-traitant avant de les envoyer par Internet sur un IP au Cameroun. Un routeur transforme ensuite cet appel international en données locales et les envoie dans la Simbox qui, à travers ses différentes cartes SIM. Ce dernier les repartie à son tour automatiquement selon les réseaux téléphoniques que compte le pays. C’est grâce à une antenne relais ou BTS d’un opérateur local que la SimBox envoie ces appels aux réseaux locaux. C’est ainsi que l’appel parvient aux correspondants destinataires. Ainsi, vous pouvez recevoir un appel de la France et voir apparaître sur votre téléphone un numéro local, notamment un des numéros contenu dans la boîte des SIM. Les appels émanant des Simbox sont généralement de mauvaise qualité et il est toujours impossible de rappeler ces numéros.

Au plan pratique, comment expliquez-vous cette technique ?

En principe, les opérateurs comme MTN, Orange et Nexttel gèrent les appels venant de l’étranger avec des carriers ou transporteurs, des firmes qui disposent des boulevards ou autoroutes de télécommunication. Il s’agit notamment de France Télécom, Belgacom ou encore British Télécom. Ces transporteurs d’appels peuvent travailler avec des sous-traitants proposant des prix (de transport et d’acheminement d’appels téléphoniques) défiant toute concurrence, ce qui permet à chacun de tirer son épingle du jeu et de faire de bonnes marges. Plus la chaîne est longue, plus il y a des risques de détournement des appels. Avec certains pays limitrophes, le Nigeria par exemple, il y a une route directe par où les appels à destination des abonnés MTN sont acheminés, et par conséquent, pas de fraude possible.

100 millions de minutes d’appels détournées cette année, soit des pertes estimées en milliards à la fois pour les opérateurs et le fisc ?

La perte fiscale de 4.2 milliards de F CFA est une estimation annuelle sur la base la perte observée de janvier à août 2015. Comparée à l’année dernière, la perte augmente simplement parce que c’est une activité très rentable pour les fraudeurs qui ne peuvent pas déclarer leur activité, ne paient aucun impôt et taxe, n’ayant aucune autorisation d’exercer. Le nombre de fraudeurs ne cesse d’augmenter et les équipements utilisés rendant la détection, qui est jusqu’ici réactive, de plus en plus compliquée. Tout ceci se traduit par une tendance continuellement baissière des revenus des opérateurs locaux sur le trafic international entrant.

Le Cameroun est l’un des rares pays ou le phénomène prend de l’ampleur, des pays comme le Ghana et la Cote d’ivoire s’en sortent plutôt bien. Que nous manque-t-il ?

C’est vrai. Certains pays comme le Ghana, la Côte d’Ivoire, la République Démocratique du Congo sont plus organisés que le Cameroun dans la lutte contre cette fraude. Le cadre juridique (les lois et décrets d’application) permet de qualifier sans équivoque cette activité frauduleuse, ce qui n’est pas encore évident au Cameroun. Le caractère hautement technique et ô combien complexe de cette activité requiert une expertise particulière de la part des magistrats et juges, sans oublier la Police et la Gendarmerie, qui ont véritablement besoin d’être formés dans le domaine. Dans les autres pays, nous connaissons des cas où l’Etat (le Ministères des Postes et Télécommunications), le Régulateur, les Opérateurs ont créé une plateforme de lutte contre cette fraude, avec des brigades mixtes qui font des descentes musclées sur le terrain avec des équipements de détection et de localisation des simbox, pour traquer et dénicher les fraudeurs. Nous n’en sommes pas encore là dans notre pays.

A votre avis, quelle est la recette pour terrasser ces fraudeurs ?

Comme préalable, je citerais, La prise de conscience des effets néfastes de cette fraude par les autorités compétentes, la révision et l’adaptation du cadre juridique y relatif, avec des textes d’application clairs, la sensibilisation et la formation des autorités judiciaires en matière de fraudes dans les télécommunications en général et sur les Simbox en particulier. Je n’oublierai pas les médias qui joueront un rôle important une fois qu’ils auront eux aussi compris la fraude du détournement des appels téléphoniques.

Propos recueillis par Lucienne Wouassi

Fraudes téléphoniques:  Plus de 20 milliards de pertes en 2015
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